Parmi les critiques émergentes de la continuité pédagogique mise en place pendant la période de fermeture des établissements, il en est une vouée à devenir une réelle problématique tant pour ce mois de juin, que pour l’année scolaire prochaine si elle devait se teinter de protocole sanitaire, de demi-groupes, de distanciel ou plutôt d’hybridation présence/distance.
“Comment faire travailler en groupe des élèves chacun chez soi ou dont certains sont en classe et d’autres à la maison voire même quand, dans la classe, les élèves ne peuvent s’approcher les uns des autres?”
Autant la mise en oeuvre de groupes de travail s’entend facilement en présentiel, autant lorsqu’il s’agit de distanciel, les réflexes ne sont pas là et certains ont pu avoir l’impression fondée qu’enseignement à distance rimait avec enseignement individuel.
Voici donc quelques pistes pour que l’”apprendre ensemble “ et les possibilités que cela offre à nos élèves ne devienne pas un dégât collatéral de la crise sanitaire.
Ces pistes mélangent pratiques et outils pour les mettre en oeuvre de manière la plus simple et efficace possible.
1. Construire / produire ensemble
Au coeur du maintien d’une dimension collaborative, il y a la dynamique pédagogique mise en oeuvre dans les scénarios proposés aux élèves.
Réplique d’une modalité de travail en présentiel, il est possible, voire nécessaire, d’inclure dans les scénarios pédagogiques hybrides ou distanciels des travaux de production et de construction de contenu collectifs qui sont la base de ces pratiques (développer le faire-ensemble)
- Des documents collaboratifs (Google documents, documents Office 365, pads, cartes mentales collaboratives, tableaux de post-it) peuvent devenir des supports adaptés au travail de groupe à distance.
Des outils de production collaborative existent également dans des domaines précis (code informatique, géométrie, dessin…) - La construction de contenus par l’échange ou le débat, qui s’entend souvent par de l’oral en présentiel, peut être mis en oeuvre dans nos ENT par des outils de type forum (discussion dans e-lyco, conversation ou yammer dans Office 365 ou Classroom dans la suite Google.
Le forum de discussion permet par exemple à partir d’un questionnement par l’enseignant ou un élève à la classe ou à un groupe de développer des idées par l’argumentation pour aboutir à la construction d’une notion.
Les outils de type réseaux sociaux se prêtent également à ces constructions.
Ces deux outils sont très couramment utilisés en FOAD, ainsi que dans les Mooc pour faire apprendre avec l’aide du collectif.
- Tous les outils de production de document permettent également des pratiques coopératives où chaque élève produit une partie d’un travail collectif.
C’est l’exemple de la production de vidéos dont on a pu voir des exemples dans les domaines artistiques pendant le confinement et que j’ai exploité pour la production d’exposés pour assurer la continuité pédagogique
2. La communication dans les groupes.
Au delà de la production elle même, les membres des groupes ont besoin d’échanger pour construire.
Si quelques outils de production (Google, Office, pads) embarquent des chats (outils de discussion textuelle en direct) ceux-ci ne suffisent pas toujours pour organiser et gérer le travail d’un groupe.
Selon l’âge des élèves, la communication entre les membres des groupes nécessite plus ou moins de contrôle et de participation de l’enseignant.
- Pour des élèves autonomes, en âge de se gérer et des échanges auxquels l’enseignant n’a pas besoin d’assister, on peut souvent compter sur l’organisation des élèves entre eux qui du coup utilisent les canaux qui leurs sont familiers.
Il est même souvent intéressant de voir les capacités d’autodiscipline de nos élèves dans leurs communautés (j’ai encore en tête un forum d’élèves de 4ème qui modéraient eux-mêmes avec des marges de tolérance en termes d’abus parfois moindres que les miennes !). - Pour des élèves moins autonomes mais suffisamment responsables, l’enseignant peut créer plusieurs outils de discussion instantanée (conférence sur e-lyco) ou visioconférences et y installer chacun des groupes.
- Cette solution est fonctionnelle mais nécessite plus de manipulations pour l’enseignant au moment de la création et pour “passer d’un groupe à l’autre s’il le souhaite.La classe virtuelle, développée dans le point suivant sous différents aspects, est adaptée à la communication dans les groupes sous le contrôle de l’enseignant qui peut facilement rendre visite à chaque groupe.
3. La classe virtuelle : quand la visioconférence se rapproche au plus près de la classe réelle en intégrant les travaux de groupe.
La visioconférence, expérimentée par de nombreux enseignants durant la période qui vient de s’achever, a permis de maintenir des temps de cours en privilégiant souvent des échanges prof/classe entière en particulier sur les outils “classiques” de visio (Google Meet, Microsoft Teams, Jitsi Meet…)
Mais il y a une différence fondamentale entre ces outils qui viennent du monde de l’entreprise pour l’organisation de réunions et les outils de classe virtuelle qui sont adaptés à l’enseignement et en particuliers aux travaux de groupes.
Ces outils sont moins en vue que les précédents, car ils sont bien souvent payants (BlackBoard Collaborate, Adobe connect ) soit de diffusion plus confidentielle (Big blue button libre mais nécessitant un hébergement) et nécessitent plus de formation pour prendre en main les fonctionnalités les plus avancées comme les travaux de groupes.
Le ministère fournit à l’heure actuelle deux solutions de ce type :
- ma cl@sse virtuelle : accessible depuis le portail Arena, a été peu utilisé car nécessitant l’installation d’un logiciel tiers et une prise en main plus lourde.
- la classe virtuelle du CNED (à 2’27 sur la vidéo), n’est autre qu’une version de Blackboard Collaborate, limitée à une salle par enseignant.
Cette solution a été utilisée par de nombreux enseignants pendant le confinement, mais pas toujours dans toutes ses dimensions.
Ces outils permettent donc, en plus des fonctionnalités classiques de distribution de la parole en mode classe entière (avec la fonction “lever la main”), de tableau blanc partagé, de diffusion de documents, de créer des groupes de travail qui sont “isolés” dans un espace dans lequel ils disposent d’outils partagés et dans lequel l’enseignant peut intervenir sans avoir à changer de visioconférence.
Outre la gestion de la communication dans les groupes (dans la logique du paragraphe précédent), les classes virtuelles permettent des travaux écrits ou oraux en groupes avec une activité de l’enseignant proche de la version présentielle.
A ce sujet, le tutoriel de Nicolas Gaube sur la gestion de groupes de travail dans la classe virtuelle du CNED apporte des éléments de réflexion.